L'orage de 1788, souvent qualifié d'ouragan,
est sans doute celui qui fut le plus étudié à cette époque.
Nous trouvons de nombreux écrits et descriptions dans des recueils
scientifiques et les narrateurs de l'époque ne tarissent pas
d'analyses et de commentaires .
Il parait donc évident
que les curés , dans leurs registres paroissiaux , relatent eux
aussi ces conditions climatiques extrêmes dont certains diront
qu'elles sont en partie responsables du soulèvement populaire de
1789.
L'orage de1788 succède à une autre catastrophe aux incidences
dramatiques que fut l'éruption volcanique du Laki en Islande en 1783
. Les années qui suivirent connurent de nombreux excès climatiques :
sécheresses, grands froids, déluges...
(voir le Laki sur ce site).
A travers ces quelques
témoignages dans diverses communes de France, nous verrons les
dégâts considérables causés par le passage de cet orage qui reste
mémorable par la violence de ses vents, la taille des grêlons qui
s'abattirent , ce qui est rare , sur plusieurs centaines de
kilomètres, par le bruit et l'obscurité hors du commun qui régnèrent
alors et enfin, mémorable par les dégâts évalués à plus de 24
millions de livres tournois dans plus de 1000 communes.
description de cet orage
:
"Mémoire sur les grandes gelées et leurs effets (...) -1792
page 134
Almanach des orages ;
"Le Parisien" du 3 juin 2018 "
;
la France pittoresque
|

Carte tirée d'un article dans
"Le Parisien" du 3 juin 2018 "
|

La peinture de Philippe-Jacques de Loutherbourg montre la violence
des orages de 1788 (même source) |
Commune
d'Oinville-Saint-Liphard (Eure-et-Loir)
Le curé de la commune ne fait aucune description des dégâts causés
mais parle d'un "ouragan furieux" et insiste sur la grande
étendue géographique où tout "a été battu en ruine". La
Beauce, l'Ile de France, la Brie , la Picardie "ont ressenti les
effets désastreux " . La grêle tombant généralement très
localement , il est effectivement rare qu'elle s'abatte ainsi sur
plusieurs centaines de kilomètres.
Le passage de l'orage aux Pays-Bas et en Belgique est décrit dans
"Mémoire sur les grandes gelées et leurs effets (...) -1792
page 134
Quant à l'ouragan mentionné 400 ans plus tôt , le même jour et la
même heure, je n'en ai pas trouvé trace mais il est probable qu'il
s'agisse de l'orage arrivé en avril 1360 dans ces mêmes provinces.
La grêle tua alors plus de 1000 hommes et 6000 chevaux de l'armée
anglaise près de Chartres. S'ensuivit le traité de Bretigny (hameau
de la commune de Sours dont le curé est l'auteur de la mention
suivante) entre les anglais et les français et qui permit une trêve
dans la guerre de cent ans.
" Observation ad rei
memoriam
Le treize juillet jour de Dimanche, a huit heures du matin, un
ouragan furieux s'est elevé du coté du Sud-ouest. Le tonnerre, le
vent,
la grêle formoient tous ensemble un bruit effroyable. Depuis paras,
jus-
qu'à barmainville, dans la largeur de garoille à Champillory, tout a
été
battu en ruine. Le degat a commencé aux environs du bourg et s'est
étendu
jusques bien au dela du pavé de paris. Cet ouragan a ruiné un grand
nombre
de paroisses, depuis la croix briquet, route d'orleans, en remontant
vers le nord,
a l'orient et au couchant. La beauce, l'isle de france, la brie, la
picardie, et
on dit aussi la bretagne, ont ressenti les effets desastreux. La
perte qu'il a
causé est immense. on a rapporté avoir trouvé dans les
anciens registres
que pareil ouragan avoit accasionné a même jour, a même heure, il y
a qua-
tre cents ans de semblables ravages. Picard curé d'oinville "
|

Ad28 Oinville Saint-Liphard 1752-1790 vue 341 |

Ad28 Sours 1765-1791 vue313 |
Commune
de Sours (Eure-et-Loir)
Cette mention nous apprend
que l'ouragan durera 30 minutes mais que 5 minutes suffirent à la
grêle pour détruire toutes les cultures.
L'énumération des dégâts dans les écrits d'historiens est longue :
les cultures et les vignes hachées, les arbres fruitiers
déracinés, les bestiaux de ferme et le gibier tués, les maisons,
granges, moulins détruits ou renversés , les vitres brisées ...
D'après le rapport des membres de l'académie des sciences, le
montant total des pertes s'élèverait à 5 % des recettes budgétaires
du royaume. (la
France pittoresque)
A Sours, les 4 moulins
furent renversés ou endommagés causant la mort de 2 personnes et en
blessant grièvement 4 autres.
Nous trouvons les actes de sépultures des 2 victimes "surpris
dans un moulin que la foudre a renversé et brisé ; sous les ruines
duquel on a trouvé ledit corps tout moulu"
Mais notons que ce qu'il y a de plus triste pour le curé est la
destruction de sa "pauvre église"!
"Nota- ouragan venant du
Sud-ouest
Le 13 juillet le dimanche a sept heures et demie du matin Sr curé
etant a confesse dans la
sacristie , un ouragan affreux qui avoit été precedé d'un tonnerre
... fort mais continuel
pendant environ une demie heure a commencé avoir la plus grande
impetuosité. La grêle a eté si forte et
abondante l'orage a eté si furieux qu'en cinq minutes les grains les
fruits de toute espece ont ete hachés
la moisson qu'on devoit commencer quelques jours après a été
entierement detruite en sorte que ce qui reste
coutera a ramasser plus qu'il ne vault. de quatre moulins celuy de
pierre est resté seul et fort endommagé
les trois autres ont ete renversés et detruits dans celui du chateau
ou six personnes etoient deux ont eté tués par
la chute et les quatre autres dangereusement blessés ... et ce
qu'il y a de triste notre pauvre eglise a été
renversée depuis le pignon jusqu'au clocher (...)
la voute de la vierge ont été transportes fort loin , toute la
charpente jettée dans le cimetiere et brisée. heureusement
que le sr curé (...) celui que dieu
sans doute lui inspira de se refugier sous la voute de la fontaine .
(...) "
|
Commune
d'Epernon (Eure-et-Loir)
Voici une mention très
explicite sur la conséquence la plus dramatique de cet orage : la
hausse des prix des denrées et la plus grande misère qui en découle.
Ajouté à cela, l'hiver 1788 qui fut l'hiver le plus froid jamais
enregistré à Paris avec -21.8 ° le 31 décembre ; la Seine gela
56 jours de suite.
L'hiver 1788 fera l'objet d'une étude sur ce site mais en attendant
, nous en trouvons un résumé :
ici et dans la mention suivante écrite par le curé de St
Mars-de-Cré.
Ainsi, comme l'histoire
le retiendra, à la veille de la Révolution, le peuple a faim et vit
dans une profonde misère .
"C'est en cette année le treize de juillet qu'est
tombée une grêle affreuse
dont on n'a pas même d'exemple dans l'histoire. à sept heures et
demi
du matin on eut une oscurité égale à une eclypse ordinaire .
il commença à tomber quelques grains de grêle mais sans aucune suite
à Epernon ,
une
legere tempête ... jusqu'a chaleine paroisse d'Emancé où tout fut
saccagé.
La nuée commença à Brisolles, parcouroit une partie du perche, la
majeure partie de la Beausse , Sanville, Etampes et au delà , St
Germain
en Laye et tous les adjacents , partie de la Brie, de la Bourgogne,
de la
picardie, de la flandre, de la hollande et un peu en
Angleterre , et tous les
ravages presque à la même heure, presqu'aussitôt le bled doubla de
prix et de
dix huit livres monta à près de trante, le petit bled qui valoit 10
livres à 12 augmenta
jusqu'à 22 livres pour surcroit d'affliction les terres épargnées
n'ont produit en
général que deux septiers . Enfin , l'hyver a commencé le 18
novembre et
a été excessif jusqu'au Jour de l'an . Et on ne scait pas quand la
fin viendra
la misere est devenue excessive. Les propriétaires ont été obligés
de remettre
les loyers , et de donner de quoi ensemencer les terres, point de
travaux ,et la rigueur
du temps ne permettant pas d'en faire aucuns".
|

Ad28 Epernon 1751-1790 vue456 |

Ad72 St Mars-de-Cré 1740-1792 vues202-203 |
Commune
de St Mars-de-Cré (Sarthe)
Le curé fait un
descriptif de l'année 1788 où apparaissent plusieurs faits nouveaux
par rapport aux autres récits. La taille des grêlons tombés lors de
l'orage du mois de juillet semble considérable. 1 livre de l'époque
correspond à 489,5 grammes, ce qui rend un peu excessif le poids
d'un grêlon de 9 livres inscrit dans la mention ! On cite qu'à Orléans, le tapis de glace
mettra 3 jours à fondre.
Le roi fut lui aussi victime de cet orage et lors d'un trajet près
de Rambouillet, il dut se mettre à l'abri précipitamment. Cependant,
que son cocher ait été tué n'est pas rapporté dans d'autres écrits .
Les riches du royaume ,
le roi ainsi que son épouse Marie-Antoinette distribuèrent des
aumônes et des vivres . Le 26 juillet, un arrêt du conseil d'état
crée une loterie en faveur des communes sinistrées.
La venue à Paris des
ambassadeurs indiens reçus à Versailles le 10 août 1788 avec tous
les fastes que l'on suppose a du irriter le peuple mais
heureusement, comme le mentionne l'écrit ci-contre, " touchés de
compassion, ils firent d'abondantes aumosnes".
Suit la description du
terrible hiver1788 qui acheva de détruire les quelques denrées
encore disponibles .Tout gela, les rivières, les fruits, le pain ,
le vin. La mortalité augmenta en même temps que la misère.
"cette année sera mémorable 1° par un gresle dont
plusieurs
grains en forme de carreaux de glace pesoient jusqua 9 livre
et ont ravagé 22 paroisse aux environs de paris dans la
mois de juillet . plusieurs personnes ont été tuées
le roy louis 16 étoit à la promenade, son coché fut tué . Les
chevaux blessés, les portières du carosse brizées sa majesté eut
beaucoup
de peinne a se sauver. plusieurs bestiaux furent écrasés
par la foudre , la moisson fust brisée, la cour a pourvu
aux besoins urgents des malheureux de toutes les paroisses.
2° par l'arivée des princes indiens venus en embassades
à versailles , on leur a fait tous les honeurs possibles ; sur
le récit qu'on leur fit des desastres causés par la gresle , touchés
de compassion, ils firent d'abondantes aumonsnes. (...)
3° cette année et 12 jours de celle de 1789
y sera encorre remarquable par un froid excessif de plus de
2 mois et demi, il a surpassé celui de 1789. suivant les mémoires
de l'académie il y avoit 130 ans que le froid fust aussi terrible
la glace avoit 2 pieds depaisseur dans notre rivierre . Le
thermomètre monta a certains jours jusqu'au 16 et 17 degre
les neiges sans estre extraordinaires furent plus de 6 semaines sur
la terre. les oyes sauvages quittant leurs pays de glace vinrent
fondre daas nos climats a milliers et firent grand tort
à nos bles. toutes les provisions restées dans les jardins furent
gelées. Les fruits dans les maisons tout glacés pain vin etc
tout fut exposé à la gelée ... Les maladies de fluxions de poitrine
de gros rhusme enleverent nombre de personnes. à mansigné
plus de 36, au chateau du loir plus de 70, etc, a paris, angers
( ...)
Le pain fut rendu 6 sous la livre à paris , on ne pouvoit faire de
farine. Le bois étoit bien cher, les seigneurs du lude , Mde
la marquise de la ville dona 50 chartées de bois et 5000
livre de pain aux pauvres du lude. " |
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